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Les fantômes de l’hystérie - Histoire d’une parole confisquée
France Culture, série documentaire :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-les-fantomes-de-l-hysterie-histoire-d-une-parole-confisquee
Pour LSD, Pauline Chanu part à la recherche des persistances de l’hystérie. Une histoire longue et violente qui commence à l’Antiquité et continue de nourrir la misogynie et de hanter la médecine, la psychiatrie, la psychanalyse, la politique, la justice et nos représentations.
En 2022, un procès très médiatisé divise le monde en deux catégories : celles et ceux qui croient Amber Heard, cette jeune actrice hollywoodienne, trainée en justice pour diffamation, alors qu’elle accuse son ex-mari Johnny Depp, de violences conjugales et celles et ceux qui croient à l’innocence du mari. Des gros plans sur le visage de l’actrice circulent partout dans le monde : son visage tordu de colère, ses lèvres qui tremblent, ses mains crispées. Cette femme qui toujours pleure trop ou rit trop, tantôt trop froide ou trop affectée. Sa parole y est exposée et explosée. Et puis le couperet tombe : « Hystérique » pour l’avocate de Johnny Depp. « Histrionique et borderline » pour l’experte en psychologie appelée au procès. La justice
comme l’opinion publique se montrent du même avis.
Mais hystériques aussi : Alice Coffin, Danièle Obono, Nathalie Kosciusko Morizet, Aurélie Filipetti, Mathilde Panot, Marlène Schiappa, Ségolène Royal, Sandrine Rousseau, Rachida Dati, Edith Cresson, et avant elles des générations de femmes politiques, des tricoteuses de la Révolution Française aux pétroleuses de la Commune, des suffragettes aux membres du MLF.
Il n'y a ni doute ni débat sur le caractère misogyne de ce terme qui fait, parfois même sourire en ramenant, comme un automatisme, la parole de l’autre à son utérus (dont c’est l’étymologie). Mais pourquoi alors son usage continue de disqualifier aussi efficacement si l’hystérie n’est qu’une fiction ? Pourquoi continue-t-il d’hanter nos représentations, nos imaginaires et nos jugements ?
L'hystérie est une longue histoire de vapeurs et d’écrans de fumée mais aussi une affaire de langage. Elle est un mystère qui traverse les âges, qui se fraie un chemin depuis l’Antiquité pour se maintenir aujourd’hui encore dans les cours de médecine, dans les expertises judiciaires, dans les diagnostics (confondus avec l’endométriose, la fibromyalgie ou l’épilepsie), dans les grilles psychanalytiques, dans les couloirs des hôpitaux psychiatriques… malgré sa disparition du DSM (le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux) en 1968.
Cette série propose de prendre très au sérieux l’histoire de l’hystérie et pour ça, de regarder son spectre large, quand le terme apparait et s’évanouit, s’attarder sur ce que sa présence comme son absence disent de la place des femmes dans la société, de l’avancée ou du recul de leurs droits. D’aller chercher ses fantômes : ses ombres et ses permanences et faire entendre ses disparues et ses victimes d'aujourd'hui. Une série de Pauline Chanu réalisée par Annabelle Brouard .