« Charlie Chaplin selon Deleuze et Arendt : aliénation et action politique »

Eliane Martin-Haag

Publié le 25 juin 2013 Mis à jour le 25 juin 2013
Dans L’image-mouvement, Deleuze rattache les films de Chaplin à « l’image-action » qui se construit selon la petite forme A S A’, forme dont Chaplin serait un utilisateur particulièrement virtuose. C’est dans les films burlesques mais aussi et surtout dans Le dictateur que la petite forme trouve le plein développement de sa formule, développement dans lequel une très petite différence dans l’action, ou entre deux actions, fait valoir une distance infinie entre deux situations. Les exemples célèbres que Deleuze examine appartiennent d’abord aux films comiques, où l’on peut voir Charlot abandonné par sa femme et apparemment secoué de sanglots, tandis qu’en se retournant, il révèle au spectateur qu’il secoue un shaker pour se préparer un cocktail. Mais avec Les temps modernes, c’est « l’humanisme » de Chaplin qui apparaît. Il y montre qu’un rien, une toute petite différence suffit à « retourner la machine contre l’homme », à en faire un instrument de capture et d’aliénation. Son originalité s’affirme de plus en plus pour culminer dans l’art de choisir des gestes proches et des situations correspondantes éloignées ou radicalement opposées : ce rapport engendre simultanément le rire et l’émotion, l’une des deux situations devenant tragique, tout en conservant le rire produit par la différence de plus en plus infime dans l’action.