« Cinéma, subjectivité et aliénation chez Deleuze »

Pierre Montebello

Publié le 25 juin 2013 Mis à jour le 25 juin 2013
Deleuze, dans « La pensée et le cinéma », chapitre sept de L’image-temps, livre l’essentiel de sa pensée sur le cinéma. Certes l’objet premier de ce chapitre est de savoir quelle est la forme de pensée du cinéma, mais son objet plus profond est de savoir ce que nous devons penser de la pensée du cinéma. Nous ne détacherons pas ici ce questionnement du problème de l’aliénation. Et, puisqu’il va être question d’aliénation, de subjectivité et de monde, allons tout de suite à l’essentiel. Le cinéma n’a de sens que pour des spectateurs qui voient du cinéma : il s’adresse à des sujets qui voient des images cinématographiques. Dans sa définition même, le cinéma contient en germe la menace de l’aliénation, comme d’ailleurs tout art qui s’appuie sur des images, mais bien plus fortement car c’est un art de masses qui peut être l’instrument d’une dépossession du sujet, la vecteur d’une hypnose par instrumentalisation de la puissance de l’image. Cette dépossession de la pensée au profit de ce que l’image peut avoir de plus lassant, répétitif, vulgaire, passif, instrumental a toujours été le socle des attaques contre l’image : représenter plutôt que penser, mimer plutôt que réfléchir, faire masse plutôt qu’individuer, devenir propagande plutôt que vecteur de liberté… Deleuze écrit ce texte contre ce risque latent de l’image cinématographique.