« L’imagination métaphysique et la matérialité dans l’Evolution créatrice »

Paul-Antoine Miquel

Publié le 27 juin 2013 Mis à jour le 27 juin 2013

Version longue d’une conférence tenue à l’Université de Toulouse Le Mirail lors des Ateliers euro-japonais sur L’évolution créatrice de Bergson.

Nous voudrions revenir ici sur un point très important dans l’étude du troisième livre majeur de Bergson. Nous savons que l’introduction de l’Evolution créatrice commence par le souci de penser le passage de ce qui est vécu par « notre conscience » du point de vue de « notre existence », au point de vue de « l’existence en général » (p7). Ce point de vue n’est plus psychologique, mais cosmologique. Il s’agit de prendre au sérieux l’hypothèse métaphysique selon laquelle l’univers dure. « Il y a une durée immanente au tout de l’univers » (p 11). Mais comment ressaisir cette durée immanente ? Nous avons mainte fois noté déjà que l’usage ici proposé par Bergson du terme d’immanence est révolutionnaire. Il n’a rien à voir avec le sens que Spinoza donne à ce concept. Pour Spinoza, la substance est en soi. Elle est conçue par soi. Elle est cause de soi et elle est absolument infinie. L’infini s’oppose au fini, comme ce qui est « limité par autre chose par le moyen de laquelle elle est aussi conçue ». Mais chez Bergson, tout au contraire, la durée immanente prend, soit l’allure de la matière, soit celle de la vie, qui sont des tendances, mais qui ne sont pas des substances. L’élan vital, au même titre que la matérialité, l’extension, la matière, est une force finie. Nous allons focaliser notre attention aujourd’hui sur la seconde de ces tendances : la matérialité.