« Matière et lumière dans L’évolution créatrice »

Pierre Montebello

Publié le 27 juin 2013 Mis à jour le 27 juin 2013
Le problème qui caractérise le bergsonisme est la volonté de trouver une « unité vivante » qui fasse communiquer vie, conscience et univers matériel. Or, pour une philosophie qui part de l’expérience de vie consciente, qui prend pour fil directeur ce dont notre expérience atteste, le plus difficile est d’articuler cette expérience psycho-vitale à la matière. La difficulté ne concerne pas seulement le bergsonisme : on remarquera que pour la plupart des philosophies de la nature de la fin du XIXème siècle et du début du XX (en particulier Nietzsche, Whitehead, Tarde) qui se penchent sur la question d’une unité cosmologique, la représentation de ce qu’est la matière pose question. Le concept de matière apparaît en effet très lourdement saturé de représentations intellectuelles qui empêchent son insertion dans l’« unité vivante » du cosmos. Il ne faut donc pas s’étonner que Bergson ait considéré qu’un des plus importants enjeux de L’évolution créatrice était la compréhension de l’univers matériel comme étant de même nature que le moi : il dira ainsi en 1908 à la société française de philosophie que l’« un des objets de L’évolution créatrice est de montrer que le Tout est (…) de même nature que le moi, et qu’on le saisit par un approfondissement de plus en plus complet de soi-même » ?