"Montgomery Clift, Derrida et Lévinas. Subjectivité et sacrifice"

Jean-Christophe Goddard

Publié le 26 juin 2013 Mis à jour le 26 juin 2013

Texte publié dans le Cahier de l’Herne René Girard (dir. Marc Anspach), Paris, éd. de l'Herne, 2008.

Dans le dernier chapitre de La violence et le sacré, René Girard prévient que les phénomènes les plus essentiels de toute culture humaine continueront d’échapper à la pensée moderne tant qu’elle ne comprendra pas le caractère opératoire du bouc émissaire et de ses succédanés sacrificiels, c’est-à-dire leur caractère de processus réel. Cet avertissement est des plus importants. Il porte en lui la promesse d’une terrible lucidité. Il est remarquable qu’il soit presque immédiatement suivi d’une évocation du cannibalisme et du regret que celui-ci n’ait encore, à l’instar de l’inceste, trouvé son Freud et été élevé, malgré les efforts du cinéma contemporain, au rang de mythe majeur de la modernité. Le jugement est peut-être sévère et il n’est pas certain que le mythe cannibale, ou, pour être plus précis, le mythe du dépeçage omophage, n’ait pas été au cœur sinon au principe de l’essor du cinéma mondial.