« De la propriété possessive à la propriété expressive. Fichte, Hess, Marx »

Franck Fischbach

Publié le 25 juin 2013 Mis à jour le 25 juin 2013
Pour pouvoir être considérée comme une philosophie sociale, en un sens relativement précis du terme, une philosophie doit pouvoir répondre à un certain nombre de critères dont les principaux sont à mon sens les suivants. Il faut, premièrement, que cette philosophie se donne les moyens de distinguer la société de l’Etat, le social du politique ; il faut donc qu’elle reconnaisse une autonomie (fût-elle relative) à la société et à la vie sociale par rapport à l’Etat et à la vie politique. Deuxièmement, il doit s’agir d’une philosophie se concevant comme elle-même inscrite dans un contexte social, qu’elle se comprenne réflexivement elle-même comme une pratique savante et théorique liée à d’autres pratiques qui constituent un contexte historique au sein duquel elle se sait être elle-même située et sur lequel elle n’exclut pas d’exercer des effets en retour. Troisièmement, il faut qu’elle adopte, relativement à la société, un point de vue évaluatif autorisant une critique de la réalité sociale existante à l’aune de ce que cette philosophie conçoit comme devant être. Enfin, quatrièmement, pour pouvoir relever d’une philosophie sociale, il faut que la démarche philosophique prenne une forme que je dirais « militante », au sens où elle s’adresse consciemment à des acteurs ou des sujets sociaux capables de s’approprier, sinon le point de vue même de la philosophie sociale, du moins ses principaux résultats, et capables par suite d’engager sur cette base une action transformatrice de la réalité sociale existante. Or, il me parait que la philosophie de Fichte répond à chacun de ces critères et que, dans l’histoire de la philosophie, elle est certainement l’une des premières dont on puisse le dire.