"Gérard Lebrun et le devenir de la philosophie"

Bento Prado Junior

Publié le 26 juin 2013 Mis à jour le 26 juin 2013
Dans un compte rendu de L’envers de la dialectique (Ed. Du Seuil, 2004) publié dans Lire, Jean Blain écrit : “Avant de devenir professeur à l’université d’Aix-en-Provence, où il enseigna presque jusqu’à sa mort, il avait exercé son art pendant près de vingt ans au Brésil – où il est infiniment plus connu que chez nous – et notamment à l’université de São Paulo”. Il y va peut-être un peu d’exagération dans le mot “infiniment” mais il est certain que l’impact de l’oeuvre de Lebrun et de son enseignement a été énorme parmi ses collègues et ses élèves dans notre Pays . Et c’est bien cet impact à plusieurs dimensions qui sera l’objet de cette conférence. J’y parlerai de l’influence que j’ai, moi-même, subi au long de presque quarante années d’amitié et d’interminables conversations, mais aussi sur un point d’une éventuelle divergence qui écarterait un peu mes derniers écrits du chemin ouvert par l’oeuvre admirable de Gérard Lebrun. La triste nouvelle de la mort de Lebrun m’a surpris au milieu d’un travail, quand je prenais des notes à propos d’une question qui m’obsède il y a quelque temps. Sous le coup de l’émotion, j’ai repris immédiatement les écrits de Lebrun, découvrant avec une injustifiable surprise – oh, ce que la mémoire nous manque ! -, combien mes sujets et problèmes d’alors devaient à l’enseignement de mon ami à la rue Maria Antonia depuis la lointaine décade de 60. C’est dans les livres à cette époque ancienne encore inédits sur Kant et Hegel que j’ai redécouvert, à la fin du siècle, dans une seconde lecture, une interrogation continuelle à laquelle j’avais été fort sensible, sans pleine conscience de son sens et de sa force, dans des exposés qui ont précedé leur publication.