" L’unité de l’oeuvre et de la folie. Jacques Derrida et Antonin Artaud "

Jean-Christophe Goddard

Publié le 26 juin 2013 Mis à jour le 26 juin 2013

Texte d’un article publié dans le volume Derrida : la déconstruction (dir. Charles Ramond), Paris, PUF, 2005.

L’« aventure » tentée par Antonin Artaud est, pour Derrida, ni plus ni moins celle d’une « destruction » de l’Occident, de sa civilisation, de sa religion et du « tout de sa philosophie » . Cette destruction, elle l’accomplit moyennant la reconduction à une « unité antérieure à la dissociation » , c’est-à-dire à toute dissociation, toute binarité, tout dualisme, que Derrida spécifie toutefois comme étant l’unité antérieure à la dissociation de la folie et de l’œuvre. C’est à tenter d’éclairer la nature singulière de cette unité prédifférentielle de l’œuvre et de la folie, et à rendre compte de sa possible force de destruction de la métaphysique occidentale, que nous allons nous employer ici. Que faut-il d’abord entendre par « œuvre » et par « folie » ? Selon Derrida, l’œuvre se laisse déterminer chez Artaud comme « dépôt » , comme « cette partie de moi [qui] tombe loin de mon corps » , « l’excrément, la scorie, [la] valeur annulée de n’être pas retenue et qui peut devenir, comme on sait, une arme persécutrice, éventuellement contre moi-même ».